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Société
libre d'Emulation - Liège
(Belgique)
Exposition
Anne-Marie
Klenes
Dessins
et scuptures
L'exposition
est ouverte
les
mercredis, jeudis et vendredis, de 14 à 18
h.
du
jeudi 23 septembre au vendredi 29 octobre
2004
entrée
libre
vernissage
de l'exposition
Le
mercredi 22 septembre 2004 de 18 à 20
h
à
la Maison Renaissance de
l'Emulation
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Née le 17 janvier 1959 à
Vielsalm.
Vit et
travaille à Liège et Prouvy en
Belgique.
Etudes de 1979
à 1983 à l'Académie des
Beaux-Arts de
Liège.
Boursière
de la Fondation Horlait-Dapsens en
1983.
Enseigne
à l'Académie des Beaux-Arts de
Liège depuis
1985.
Boursière
de la Fondation belge de la vocation en
1988.
Distinguée
au prix de la Jeune Peinture belge en
1990.
Caïus
mécénat culturel 1994 -Caïus de
l'environnement - oeuvre en schiste
réalisée avec les ardoisières
de Martelange.
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ANNE-MARIE
KLENES : L'EQUILIBRE DES
TENSIONS.
C'est au
cur de l'interstice étroit entre la
beauté naturelle de la pierre et le
désir irrépressible de l'intervention
artistique que prend sa source le travail
sculptural d'Anne-Marie Klenes. Equilibre subtil et
délicat entre la matière brute et
l'acte de sculpture, entre le plaisir de voir et le
besoin de faire, entre la contemplation passive et
la détermination active, entre la
fascination pour l'état des choses et la
nécessité de donner libre cours
à
l'inventivité.
A l'origine
donc, il y a les matières et leurs
vérités intrinsèques.
Anne-Marie Klenes s'intéresse d'abord au
plomb, à la cire, au bois, à la
pierre. Comme les minerais, le bois porte en lui
les traces de son histoire : noeuds, veines,
courbatures, stigmates, etc. (Il n'est pas un
hasard que l'on recourt à la
dendrochronologie). Avec la ferveur
passionnée d'un déchiffreur de
mystères, le sculpteur s'attelle à
saisir les signes des récits intimes qui
composent les matières naturelles.
Anne-Marie Klenes choisit d'en souligner certains
moments, d'en amoindrir d'autres. Il ne s'agit pas
d'imposer au matériau une formulation qui
lui soit extérieure, mais de libérer
ce qu'il contient, de permettre l'expression plus
juste de ses potentialités. La sculpture
autoritaire de jadis, que Michel Leiris a
réduit à une expression
spontanée " Luxe, dure-t-elle pour assurer
culte et survie ? ", a cédé à
une approche sensible de la matière. L'acte
sculptural se fonde désormais sur une
recherche d'équilibre entre les impulsions
contraires.
Progressivement,
Anne-Marie Klenes va orienter son travail vers le
schiste des Ardennes belges.
Particulièrement répandu dans le sud
du pays, le schiste est une roche d'aspect
feuilleté, plutôt dur, mais
très ossible. La racine grecque skhizein ,
"fendre", devenue en latin schisto , "qui se
sépare", "qui se divise", atteste cette
caractéristique à valeur
générique. Pour l'artiste, elle est
synonyme d'une multiplication des surfaces de
lecture, de la découverte d'un immense
territoire d'exploration, d'un champ d'intervention
illimité que parcourt d'abord le regard.
L'il fixe longuement les strates de schiste
déchiquetées, mais il n'est pas seul
à décider. Le choix de la pierre
passe par une appréhension physique et
émotionnelle de son contexte originel.
Anne-Marie Klenes arpente la carrière,
déplace les blocs, palpe les ardoises,
choisit, se rétracte, revient sur ses
décisions, avant de porter son
choix.
Les fragments
arrachés retiennent alors toute son
attention. Elle éprouve leur forme,
tantôt pour accroître leurs
potentialités visuelles, tantôt pour
permettre l'émergence de signes à
peine esquissés, tantôt pour leur
dessiner un contour inspiré par un projet
initial en perpétuel développement.
L'impulsion créatrice n'est en effet pas
rigide, elle autorise des transformations, requiert
des tâtonnements et des balbutiements
incertains, écoute les accidents. La
morphologie décantée, l'artiste
éprouve alors la surface, sans qu'il ne
s'agisse de deux étapes réellement
distinctes, à l'ordonnance rigoureusement
chronologique. Entre le travail sur
l'épiderme de la pierre et la recherche de
sa configuration générale,
l'échange est permanent : les gestes
fondateurs procèdent d'une même
inspiration
créatrice.
C'est sur les
surfaces de l'ardoise qu'Anne-Marie Klenes
répand cette écriture
sculptée, caractéristique de son
travail depuis plusieurs années. Cette
écriture révèle un
récit intimé, né de la
rencontre de l'émotion gestuelle et des
aspérités naturelles de la
matière. Parfois l'incision est
réduite à un effleurement de la
surface, parfois il s'agit d'entailler
profondément le bloc, parfois encore, ce
sont de fines ardoises qu'il convient de
découper pour les assembler en une
construction gracile. L'outil s'accommode des
textures du schiste, il les amplifie, les magnifie.
En d'autres occasions, il s'en distingue, cherche
à les modeler, ou si ce n'est possible,
à les infléchir dans une direction
voulue. Traces légères de polissage
et incisions plus appuyées font
émerger de cette matière sombre une
gamme d'émotions
variées.
Au fil des
possibilités d'expositions qui se sont
offertes à elle et à mesure que se
développait en s'approfondissant son
travail, Anne-Marie Klenes a été
amenée à réfléchir aux
possibilités d'une " écriture
spatiale " de ses sculptures. Certes, les oeuvres
sont autonomes et elles " tiennent "
indépendamment du contexte où elles
sont exposées. Mais il est arrivé que
l'artiste réfléchisse à des
possibilités de scénographie, afin de
présenter, en un même dispositif,
plusieurs oeuvres différentes. Dans le
voisinage l'une de l'autre, les pièces se
répondent et dialoguent entre elles. La
proximité amplifie leurs possibilités
individuelles et libère des
potentialités communes, jusqu'alors
laissées latentes. Les sculptures dessinent
dans l'espace une nouvelle " écriture
spatiale ". Chacune d'elles apparaît comme un
signe graphique qui scande l'espace blanc et fait
écho aux inflexions des autres. Les
écritures de surface ne disparaissent pas
pour autant. Elles se réservent pour une
seconde étape de lecture, plus
concentrée et plus
intime.
La disposition
spatiale des oeuvres créé une
atmosphère émotionnelle
particulière. Elle suscite l'éveil
d'une sensibilité à l'environnement
global. A l'espace d'exposition bien défini,
se substitue progressivement l'impression d'une
ample gestuelle graphique. L'appréhension
séparée de chacune des sculptures
concentre ensuite l'attention, focalise les regards
sur les fourmillements des surfaces
incisées. Se tressent alors des liens
secrets, des émergences tactiles, des
rapprochements visuels. Les récits des
pierres s'interpénètrent
insidieusement et se confondent, comme si chaque
uvre était à la fois le
fragment d'une écriture monumentale, et
condensait sur sa surface la totalité de
cette écriture.
En phase avec
un courant d'idées qui a
émergé durant les années
quatre-vingts pour se répandre durant la
décennie suivante, Anne-Marie Klenes a
parfois pris en compte certaines données
propres aux lieux d'expositions, pour amplioer la
force visuelle et émotionnelle de ses
oeuvres. Ainsi, à Bilsdorf, au
Grand-Duché, dans le cadre de Luxembourg,
Capitale Européenne de la Culture, elle
a conçu un impressionnant ensemble
monumental, dans les campagnes où de grandes
stèles plates découpaient un espace
imaginaire (1). Le site s'enrichissait d'une
intervention humaine, certes discrète et
respectueuse, mais immédiatement
perceptible. Anne-Marie Klenes accorde ainsi son
travail de la pierre à l'ensemble du lieu.
Son travail sculptural et ses interventions
environnementales participent du même
équilibre subtil entre le respect des
qualités intrinsèques des
matières originelles et la
nécessité de l'intervention
artistique qui les
magnifie.
Cette
réflexion in situ a culminé
lorsque l'artiste a été
invitée, lors de l'été 2003,
à intervenir dans les galeries de l'ancienne
ardoisière du domaine de la Morépire,
près d'Herbeumont. Le sculpteur
opérait alors au cur même de son
matériau de prédilection et sa
réoexion sur l'espace s'est confondue avec
celle qu'elle porte sur la matière.
Respectueuse face à l'ensemble du site comme
devant un bloc de schiste arraché à
la carrière, Anne-Marie Klenes a posé
quelques gestes mesurés, discrets et
éphémères. Une uvre
où se condense son travail sur l'espace et
sur les pierres. Réfléchir à
la manière d'intervenir dans l'espace
revenait à s'interroger sur les
possibilités d'un travail sur les
matières. Le résultat fut à la
mesure du site : quelques mots gravés sur
des ardoises ouvraient un itinéraire
balisé d'interventions réduites mais
marquantes. Parfois elles soulignaient un mouvement
de force, parfois elles amplifiaient une courbe
naturelle de la galerie, parfois elles ponctuaient
une cavité. Les gestes accordaient leurs
respirations poétiques aux battements
émotifs que génère le silence
de cet ancien site
industriel.
Si la
réflexion spatiale a amené Anne-Marie
Klenes à des interventions sur des lieux de
plus en plus monumentaux, son travail d'incisions
sur les épidermes de l'ardoise n'a pas
été négligé pour
autant. Au contraire, les surfaces
libérées par le clivage l'ont
reconduite à une bifurcation de jeunesse,
quand elle avait dû choisir entre la
sculpture et la peinture. Depuis quelques temps,
l'artiste oriente en effet son travail vers
l'agencement d'ardoises clivées, que des
traits gravés viennent unifier. Souvent, une
ligne rejoint ou amplifie le mouvement naturel
dessiné par l'alignement des ardoises. Si le
travail sculptural burinait jadis les surfaces, au
point d'évoquer les contorsions d'une
écriture, il s'apparente cette fois, par sa
pureté linéaire, au dessin
géométrique, conciliant
simplicité et intensité
extrême. De surcroît, Anne-Marie Klenes
choisit parfois ses ardoises en fonction de leurs
teintes. La dominante sombre cède, de temps
à autres, à des nuances d'ocre et de
brun clair. Les colorations naturelles des ardoises
clivées nourrissent la réoexion de
nouvelles préoccupations picturales. Ces
oeuvres concilient les recherches sculpturales et
les préoccupations spatiales avec des
travaux plus anciens, où l'artiste imposait
à de fines ardoises une découpe
géométrique sobre avant de les
disposer au mur, comme des tableaux
peints.
Du traitement
des surfaces clivées aux
préoccupations picturales proposées
par les nuances chromatiques des ardoises,
l'uvre d'Anne-Marie Klenes ne cesse de se
répandre en spirale. Son travail se prolonge
sur les nouvelles possibilités offertes par
son développement, mais ne cesse jamais de
revenir vers les champs délaissés par
les orientations antérieures. Comme chacune
des sculptures prises individuellement, l'ensemble
de l'uvre d'Anne-Marie Klenes se construit
sur une recherche permanente d'équilibre
entre les tensions divergentes qui
l'animent.
Pierre-Olivier
ROLLIN.
Texte du
catalogue de l'exposition d'Anne-Marie Klenes au
MAMAC, en 1999.
1 L'uvre
a toutefois fait l'objet d'actes de vandalisme et
doit être prochainement
restaurée.
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