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Société libre d'Emulation - Liège (Belgique)

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PORTRAITS DE FAMILLE

Les Botanistes liégeois et l'Emulation
Collationné par Joseph Beaujean

Parmi les hommes de sciences qui furent membres de notre Société, les botanistes tiennent une place enviable. Si de nos jours quelques noms sont encore dans les mémoires, par quelques plaques de noms de rues, il nous faut bien admettre que leurs noms sont généralement fort méconnus. Nous nous proposons de retracer, brièvement, leur vie et leurs oeuvres.

Richard COURTOIS (M.E. 1830). Né à Verviers, le 18 janvier 1806 - décédé à Liège, le 14 avril 1835. Fils d'un modeste tisserand verviétois, il montra très tôt des aptitudes aux études. Protégé du docteur A.L.S. Lejeune dès son plus jeune âge, Courtois détenteur d'un diplôme de docteur en médecine, s'est principalement fait connaître par ses travaux botaniques. Malgré une vie très courte, pleine d'embûches et de privations, il fut nommé sous-directeur du jardin botanique de l'Université de Liège et devint, de justesse, professeur du cours de botanique à la même Université.

Pierre Etienne DOSSIN (M.E. 1809-1835). Né à Liège, le 7 février 1777 - décédé à Liège, le 25 décembre 1858. Après des études faites à Paris où il étudia notamment la botanique avec Laurent-Antoine de Jussieu, E. Dossin obtint son diplôme de pharmacien. Il fut sollicité par le Préfet du département de l'Ourthe, Desmousseaux, afin de dresser le catalogue de la flore de notre département. Ce document est resté manuscrit (MS ULg n°560 et 2631), car il lui fut préféré la liste dressée par le docteur Lejeune (publiée par Thomassin, Statistique du Département de l'Ourthe). Dossin ne se consacra plus à la botanique, considérant son travail comme complet et parfait. Notons simplement qu'il incita les frères Nicolas (Liège, 29 juillet 1772 - 4 février 1846) et Jean-Jacques (Liège, 21 avril 1765 - 21 décembre 1846) FOIDART à cultiver la pomme de terre, considérée à l'époque comme nourriture à bestiaux, participant ainsi à l'amélioration et à la propagation de ce précieux tubercule, la fameuse Cwène di Gattes, chère aux Liégeois du siècle dernier.

Alexandre Louis Simon LEJEUNE (M.E. 1809, associé correspondant). Né à Verviers, le 23 décembre 1779 - décédé à Verviers, le 28 décembre 1858. Médecin, mandataire municipal et surtout botaniste, Lejeune est passé à la postérité comme le "Père de la botanique belge". Rappelons seulement qu'il a publié la Flore de Spa (1811-13) et la Revue de la Flore de Spa (1824). Il a activement participé à la rédaction du Compendium florae Belgicae de Richard Courtois (vol. 1 & 2), a longuement hésité à publier le vol. 3 (1836); quant au vol. 4, il est resté manuscrit (MS. ULg n°1856). La nombreuse correspondance, conservée au C.I.C.B. de l'ULg, nous montre que Lejeune était en relations suivies avec de très nombreux et célèbres botanistes de son époque. A. Lejeune inspira le goût de la botanique à R. Courtois, P. Michel, M.A. Libert, H.J. et H. Hayenin (pharmaciens à Verviers), W.G.F. Ley, d'Eupen et à bien d'autres encore.

Charles François Antoine MORREN (M.E.1836). Né à Gand, le 3 mars 1807 - décédé à Liège, le 17 décembre 1858. Fils d'un médecin militaire, Ch. Morren fut appelé à Liège, en 1835, pour occuper la chaire de botanique laissée vacante par le décès de R. Courtois. Le cadre de cette notice ne nous permet pas de détailler la longue liste des travaux de Morren mais nous ne pouvons nous priver d'épingler quelques faits dignes d'être cités. C'est Ch. Morren qui a mis au point la fécondation artificielle de la vanille, plante qui ne pouvait produire de fruits hors de son aire de dispersions naturelle, l'insecte pollinisateur étant absent dans nos serres. En 1845, la pomme de terre fut menacée de destruction totale, par l'apparition de Botrytis et Ch. Morren entra dans de longues controverses sur les moyens de détruire ce fléau. Son plus grand projet fut de transférer le jardin botanique, situé à cette époque derrière les bâtiments de l'Université, dans un endroit plus adapté et plus vaste. Les tracasseries sans fin et les problèmes mutiples eurent raison de la santé de Ch. Morren, et il ne vit pas aboutir son projet. Son fils Edouard qui lui succéda, faillit bien, lui aussi, ne pas en voir la réalisation terminée.

Il faut aussi souligner le rôle tenu par Ch. Morren dans l'essor de l'horticulture liégeoise. Président honoraire de la Société royale d'Horticulture de Liège, Morren incitait les jardiniers-fleuristes, comme on les appelait à l'époque, à améliorer leurs produits. Citons-en quelques uns au hasard : L. Jacob-Makoy, horticulteur de renommée internationale et ami personnel de notre premier Roi, Léopold Ier; les pépiniéristes F. Gathoye et L. Galopin, obtenteurs de nombreux cultivars nouveaux de fruits de table; H. Haquin et J.B. Lorio, créateurs de variétés de fraises réputées même hors de nos frontières (Grétry, Muscadin de Liège, Lorio, la célèbre Saint-Lambert, etc...); D. Henrard, cultivateur et fournisseur de nombreux arbres et plantes de collection du jardin botanique; M. Legraye, obtentrice d'un lilas à fleurs blanches, encore très apprécié de nos jours; G.Et. Libert-Darimont, qui sélectionna dans ses semis le premier lilas connu à fleurs doubles, et beaucoup d'autres dont nous ne pouvons donner ici la liste.

Notons encore qu'un botaniste anglais, Lindley, dédia un genre nouveau de plante, originaire d'Amérique du Sud, de la famille des Asclepiadaceae, à Charles Morren sous le nom de Morrenia odorata Lindley. C'est cette plante qui est sculptée sur sa pierre tombale (et non un rameau de lierre, comme cela a été dit), au cimetière de Robermont (parcelle 36). Nous ne pouvons résister ici au plaisir de citer un extrait de lettre de Morren à Lindley, en date du 7 septembre 1838 :

" Mille actions de grâces vous soient rendues; je ne méritais pas un tel honneur : Morrenia odorata, je ne savais pas que j'avais quelque parfum. Mais, dites-moi, mon spirituel professeur, n'y-a-t-il pas quelque malia à me placer ainsi dans une famille passablement dangereuse; serai-je un poison à odeur ? Ce serait là une sanglante épigramme dont votre coeur est incapable, je le sais, mais que des malins feront peut-être, en riant dans leur barbe. En tous cas, je vous remercie, car le nom de cette plante sera, à coup sûr, le seul motif que mon nom subsitera après moi. "
(Kew Garden, lettre n°649, photocopie ramenée de Kew par le Professeur V. Demoulin).

Jean DEMESTE (M.E. 1779). Né et baptisé à Liège (à Notre-Dame-aux-Fonds), le 7 janvier 1745 - décédé à Liège, le 20 août 1783. Médecin, chirurgien-major du régiment national de Berlaymont, membre fondateur de la Société d'Emulation, J. Demeste avait appris, sous la direction de son père, lui-même chirurgien de la Cour du prince de Liège Jean-Théodore de Bavière, les principes de l'anatomie et de la chirurgie. Il alla ensuite suivre les cours de médecine et de botanique à Louvain, se perfectionna à Rome et à Reims, où il fut promu au doctorat le 9 juillet 1777, et enfin à Paris.

Malgré une santé fragile, Demeste fut reçu, en mars 1780, médecin de Ville, et le 12 février 1783, peu de temps avant sa mort, il fut choisi par le prince de Velbruck pour remplacer son père, Jean-Nicolas, en qualité de chirurgien du régiment national.

Passionné de chimie et de sciences naturelles, Demeste avait formé un assez beau cabinet d'histoire naturelle. Dès 1770, il demanda au Conseil de la Cité de Liège l'autorisation d'occuper des terrains en vue d'y établir un jardin botanique, aux environs de la porte Vivegnis aujourd'hui disparue.

Nous nous plaisons à reproduire le début du texte de sa demande : " Sur supplique très humble présentée par le sieur Demestre [sic] Chirurgien-major de la Citadelle et demandant d'avoir en accense un terrain appartenant à la Cité situé au-dessus de la porte de Vivegnis jusqu'à l'entrée des six cents degrés tendants à la Citadelle et la clef de la porte y aboutissante."
(extrait des registres du Conseil de la Cité de Liège, tenu le 23 mars 1770. Mms ULg n° 4184).

Par la suite, Demeste demande l'usage de la tour qui supporte la porte Vivegnis, ci-devant occupée par la garde militaire, en tant que cela peut être utile à son jardin botanique et non autrement. Il semble donc que Demeste avait réuni dans son jardin botanique une collection de plantes rares dont, malheureusement, la liste n'est pas parvenue jusqu'à nous.

En tant que chimiste, Demeste s'était longuement préoccupé de la substance vitreuse que l'on retire des os calcinés et probablement pour rendre hommage à cette découverte, quelque temps après sa mort, comme le dit Ulysse Capitaine "ses os furent réduits en verre et coulés en forme d'une petite urne que l'on a vue longtemps dans le cabinet du physicien Robertson, son ami, à Paris".

Nicolas Charles Clément Auguste FRANCOTTE (M.E. 1854) Né à Verviers, le 13 octobre 1801 - décédé à Liège, le 6 octobre 1880, inhumé au cimetière de Robermont, parc 171. Epoux de Catherine Virginie DARDESPINE.

Industriel, fabricant d'armes de grande réputation, A. Francotte ne s'est intéressé à la botanique que dans les dix dernières années de sa vie; il semblerait cependant qu'il ait été, vers 1839, président de la Société royale d'Horticulture de Liège, mais aucun document en notre possession ne prouve cette assertion. De sa passion pour la botanique ne subsistent que quelques planches de son herbier, conservées à l'herbarium du Département de Botanique de l'Universisté de Liège. L'une d'entre elles retient plus particulièrement notre attention. Il s'agit de la joubarbe d'Aywaille (Sempervivum funckii A. Br. var. aqualiense Ed. Morren), décrite en 1873. "Plante endémique rare, qui n'est connue, à l'état spontané, que d'une seule station, la Heid-des-Gattes, dans la vallée de l'Amblève, entre Aywaille et Sougné-Remouchamps, et qui, bien que protégée par la loi est menacée de destruction volontaire. Sous prétexte de protéger le public d'éventuelles chutes de pierres, le Collège des Bourgmestre et Echevins d'Aywaille a pris un arrêté ordonnant le dynamitage de ce site remarquable, qui renferme, outre la joubarbe, bien d'autres végétaux et animaux très rares sinon uniques en Belgique. Des mesures alternatives ont pourtant été proposées pour éviter de tels accidents sur la petite route, construite dans des conditions "douteuses", qui longe l'Amblève au pied de la falaise".

C'est ce que nous écrivions au printemps 1997 dans la Revue Verviétoise d'Histoire Naturelle : "Une plante protégée par la loi ... menacée de destruction volontaire." A l'heure où nous écrivons ces lignes, il semble bien que la situation soit inchangée, mais la menace de destruction d'une plante, connue de cette seule localité, protégée par l'Arrêté royal du 16 février 1976, nous a fait dire : "L'avocat de la commune et d'autres avec lui prennent argument du fait que cette plante est cultivable hors de son site naturel, pour justifier une destruction de celui-ci au nom de la sécurité publique. Il y aurait beaucoup de choses à dire face à une telle argumentation : si on suivait celle-ci, à quoi bon protéger l'éléphant d'Afrique, puisqu'il y en a encore dans divers jardins zoologiques?".

Mais revenons-en aux collections de A. Francotte, léguées par sa fille, au début de ce siècle, à l'Institut de Botanique. C'est un ensemble de plus de 380 aquarelles de plantes de la Flore des environs de Spa qui sont parvenues jusqu'à nous. Pendant très longtemps, nous avons cherché, sans succès, à en savoir plus sur l'auteur de cette oeuvre, chaque planche étant signée G.J. CREHAY père. Cependant, grâce à l'obligeance de Madame C. Schils, assistante de la Conservatrice du Musée de la Ville d'Eaux de Spa, nous en savons un peu plus sur ce peintre, bien que l'oeuvre qui nous occupe soit ici totalement méconnue des biographes et intéresse au plus haut point les spécialistes spadois. Nous en sommes à nous demander si cette collection n'aurait pas été réalisée à la demande de Francotte lui-même, pour son usage personnel, et donc restée inconnue jusqu'il y a peu. Artiste-peintre de grande réputation dans sa ville natale, Gérard Jonas CREHAY est né à Spa, le 18 janvier 1816 (sur déclaration de Jacques Hubert Crehay, son grand-père, 70 ans, ancien échevin et conseiller municipal) - décédé à Spa, le 6 novembre 1897.

Joseph Antoine SPRING (parfois nommé Frédéric). Complément à la notice de G. DEHALU -Bull. Inf. n° 5). Né à Géroldsbach en Bavière, le 8 avril 1814 - décédé à Liège, le 17 janvier 1872 (naturalisé belge), inhumé au cimetière de Robermont, parc 70.

Docteur en médecine, Spring fut l'un des professeurs réputés de l'Université de Liège (physiologie et anatomie pathologique) et il fut notamment chargé d'autopsier la dépouille de Sébastien Laruelle, Bourgmestre de Liège, traîtreusement assassiné le 16 avril 1637, qui, soit dit en passant, n'a toujours pas trouvé de sépulture définitive et est en attente d'un endroit où il pourrait enfin reposer en paix!

Passionné de botanique, Spring avait étudié celle-ci auprès du célèbre botaniste allemand von Martius, celui-là même qui parcourut le Brésil, et en publia la monumentale Flora Brasiliensis. L'herbier de von Martius se trouve aujourd'hui dans les collections du Jardin botanique National de Belgique à Meise, suite à l'intervention de Spring pour son rachat par l'Etat belge. Mais l'oeuvre botanique de Spring, reconnue par les spécialistes du monde entier, est sans conteste sa Monographie des Lycopodiaceae et des Selaginellaceae. Pour la réalisation de ce travail, Spring avait visité ou s'était fait envoyer les exciccata de ces plantes, des grands herbiers européens (Paris, Kew, Berlin,...), et les voyageurs-naturalistes ne manquaient pas de lui soumettre leurs récoltes personnelles (Junghuht, Linden,...). Il publia le résultat de ses travaux dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de Belgique (1841 et 1848) dont il était, entre autres sociétés savantes, un membre très recherché. Son herbier personnel, contenant de nombreux types de plantes des deux familles étudiées, est conservé à l'herbarium de l'Université de Liège, où des specimens sont régulièrement demandés en prêt par des spécialistes ou des institutions du monde entier.

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janvier 2004 - mise à jour : 16 janvier 2008