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Société libre d'Emulation - Liège (Belgique)

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PORTRAITS DE FAMILLE

Les Hommes de Sciences liégeois et l'Emulation
Collationné par Guy Dehalu

Si François-Charles de Velbruck institue la Société d'Emulation pour coordonner ses efforts dans le domaine de l'enseignement sous toutes ses formes et pousser à sa modernisation - outre l'Académie, il fonde en effet une Ecole gratuite de dessin pour les arts mécaniques, un Cours gratuit de mathématiques, un Cours public de droit, une Ecole gratuite d'accoucheuses, etc.. - c'est en 1809 que le Comité des Sciences vit le jour grâce aux encouragements du Préfet de l'Ourthe, le baron Micoud d'Umons qui fit regrouper en son sein la Société des Sciences physiques et médicales.

Ce Comité propagea l'enseignement professionnel dans le domaine de l'anatomie, de la physiologie et de la pathologie externe et suscita de nombreux Mémoires notamment relatifs aux faits d'observations pathologiques ou chirurgicales. Le titre de membre correspondant de ce Comité fut vivement recherché par une foule de notabilités scientifiques étrangères. Parmi les noms des principaux collaborateurs de ce Comité, on peut citer les de Limbourg, Nysten, Raikem, Ramoux, Ansiaux, De Jaer,... et les séances intéressantes étaient suivies avec assiduité par les Professeurs d'Université et des praticiens éminents.

Jean-Philippe et Robert de Limbourg (M.H.1779), natifs de Theux respectivement en 1726 et 1731, fils de médecin, s'illustrèrent dans le domaine médical. L'aîné, docteur en médecine de l'Université de Leyde en 1746, pratiqua son art dans sa ville natale et, à la belle saison, dans la ville de Spa dont il mit en lumière la qualité curative des eaux. Il acquit une réputation internationale auprès de sa riche clientèle, ce qui lui valut de recevoir des mains de l'empereur Joseph II le titre de chevalier du Saint-Empire et d'être élu membre de la Royal Society de Londres. Il était aussi maître de forge à Juslenville et essaya longuement d'employer la houille en métallurgie. Il décéda en 1811.

Le cadet, atteint de surdité précoce, suivit la pratique de son frère médecin. Il étudia les sciences naturelles et remporta en 1757 un prix à l'Académie de Bordeaux. Il séjourna à Montpellier puis à Rome où il devint l'ami du peintre Léonard Defrance. Il décrocha son diplôme de docteur en médecine à Montpellier, visita Paris avant de rentrer à Theux. Rallié à la philosophie des Lumières, il se brouilla avec ses frères. D'un esprit curieux et inventif, il fut un des premiers savants à s'occuper de la géologie du Pays de Liège et réunit une collection d'objets remarquables. Il fut membre de l'Académie de Bruxelles. Décédé en 1792, il précéda donc son aîné dans la tombe.

François Villette (M.E.1779) figure parmi les fondateurs de l'Emulation dont il fut trésorier jusqu'en 1805. Il naquit à Liège en 1729 et y mourut en 1809. Passionné par la physique et disciple du célèbre physicien français l'Abbé Nollet, il créa à Liège des cours publics de Physique expérimentale qui avaient lieu à l'Hôtel de Ville. Il réunit un cabinet d'appareils dont le fleuron était un microscope remarquable qui fut acquis successivement par Velbruck puis par le Tsar de Russie. Il est l'auteur de plusieurs découvertes notamment dans le domaine de l'électricité.

P.M. Ramoux (M.E.1779-1809) chirurgien, né à Liège en 1752, décrocha le titre de Maître ès Sciences à l'âge de 17 ans ! Après avoir conquis sa maîtrise ès art en chirurgie et accouchement à Paris, il fut nommé aide-major du régiment de Custine-dragons et publia un "Mémoire sur les plaies à feu" qui lui valut d'être élu Associé de la Société des Sciences de Montpellier et de l'Institut de Bologne. Rentré à Liège en 1777 au titre de chirurgien de S.A. de Velbruck, il figure également parmi les membres fondateurs de l'Emulation et se fit un nom dans le domaine de la pédiatrie et de l'accouchement. En 1805, il organisa l'Hospice de la maternité dont il assura la direction et fut le promoteur de la Société maternelle pour femmes indigentes accouchées à domicile. Il inaugura en 1811, à Liège, une chaire d'Accouchement pour les élèves sages-femmes, enseignement qui se poursuivit jusqu'à la première guerre mondiale. Il publia entre autres oeuvres: Annotations sur le cours d'accouchement et Observations sur les maladies des bêtes à laine et sur la gale des troupeaux. Il fut Président du Comité des Sciences en 1827 et mourut à Liège en 1834.

Nous continuons à passer en revue, dans ce numéro, les sommités médicales qui furent à la base de la création de la Section des Sciences de l'Emulation après sa fusion avec la Société des Sciences physiques et médicales, fusion souhaitée par le baron Micoud d'Umons, préfet du Département de l'Ourthe de 1809 à 1815 et Président de notre Société.

Antoine-François-Joseph Raikem (M.C.1809-M.E.1837), fils de Guillaume-François-Joseph, médecin consultant de Méan, le dernier prince-évêque, et membre fondateur de la Société d'Emulation en 1779, naquit à Liège en 1783 et y mourut en 1862. Attiré par la médecine comme son père, il fit ses études supérieures à Paris où il conquit les Palmes académiques, suivit les cours de l'Ecole pratique et exerça la médecine à l'Hôpital Saint-Antoine. Il décrocha son titre de Docteur en médecine de l'Université de Paris en 1807, ce qui lui valut d'être attaché au titre de médecin au Bureau de Bienfaisance de Montreuil puis de la Garde Nationale du 8e Arrondissement. En 1810, il est nommé médecin des enfants des Princes de Lucques et de Piombino, réside à Florence où il épouse une Florentine. A la chute de l'Empire, il se fera nommer 1er Médecin de l'Hôpital de Volterra où il restera jusqu'en 1836. A cette date, il est nommé Maître de conférence à l'Université de Paris puis, ayant manifesté son désir de rentrer au pays, Professeur d'Anatomie pathologique et d'Hygiène à l'Université de Liège, chaire qu'il conservera jusqu'à l'éméritat. Il fut Recteur en 1843-44, son discours d'inauguration portait sur "La morale du médecin". Il fut aussi membre du Comité de Salubrité publique de la Ville de Liège. En dehors de ses publications professionnelles, il écrivit un ouvrage qui fit référence en archéologie, "Sur les thermes romains de Volterra" et qui fit l'objet d'une brillante conférence à l'Emulation en 1851.

Pierre-Hubert Nysten (M.C.1809) naquit à Liège en 1771. Après ses humanités et l'étude des Sciences physiques et médicales, il se rendit à Paris où, en 1798, il fut nommé Professeur à l'Ecole de Médecine. Docteur en médecine en 1802, il publia le résultat de ses expériences galvaniques sur "La durée de l'irritabilité des organes musculaires sur l'homme et les animaux à sang rouge". Après avoir poursuivi des études chimiques pour acquérir une meilleure connaissance des propriétés des médicaments, il devint l'un des Professeurs les plus distingués de Paris. De 1805 à 1812, il fut chargé de différentes missions officielles dont l'une pour combattre une maladie qui ravageait le ver à soie dans le midi de la France. En 1805, il publia avec Capuron le "Dictionnaire de Médecine et des Sciences accessoires de l'Art", en 1811, avec Hallé "Le Dictionnaire des Sciences médicales" ainsi qu'un mémoire remarquable sur l'opium. Il devint à la même époque membre de l'Institut de France. Il obtint, peu avant sa mort, survenue prématurément à l'âge de 47 ans, la place de Médecin-chef de l'Hospice des Enfants à Paris.

Joseph-Nicolas Comhaire (M.E.1809) né à Liège en 1778 et y décédé en 1837, fit ses humanités au Collège de la Ville et des études préparatoires à l'art médical, art qu'il alla perfectionner à Paris, notamment chez le Professeur Dupuytren. Il revint enseigner à l'Ecole de Liège ou de Saint-Clément et professa la Médecine à l'Université lors de sa création. Il fut Inspecteur de Salubrité publique, associé de l'Académie de Louvain et de la Société médicale de Bruxelles. Plusieurs de ses observations cliniques ont été consignées dans les Journaux de Médecine de Paris.

H. De Jaer (M.E.1810), docteur en médecine, fut Secrétaire général de 1812 à 1817 et Président du Comité des Sciences de 1822 à 1824.

Nicolas-Joseph Ansiaux (Ciney 1745 - Liège 1825; M.E.1809) fit ses études à Louvain où il fut promu licencié en médecine en 1770. Il s'installa d'abord à Ciney puis ensuite à Liège. Marié à la filleule de Hoensbroech, il obtint le titre de médecin consultant du prince-évêque. En 1794, il émigra à Düsseldorf mais revint l'année suivante et reprit sa pratique. En 1806, il eut l'honneur de présider la Société libre des Sciences physiques et médicales de Liège. Il finit ses jours comme Médecin-chef des hospices civils.

Nicolas-Gabriel-Antoine-Joseph Ansiaux (1780-1834 et M.E.1809) acquit son doctorat en médecine à Paris. Revenu à Liège, il se distingua par le succès de ses opérations chirurgicales. Chirurgien en chef de l'Hôpital de Bavière, il créa une école de chirurgie qui fusionna avec l'Université lors de son institution en 1817 et en devint Professeur ordinaire. Inspecteur de santé, membre de la Commission médicale de la Province, il fut aussi membre honoraire ou correspondant de plusieurs sociétés savantes étrangères. Il a laissé un ouvrage remarqué, intitulé "Clinique chirurgicale". Il fut Président du Comité des Sciences en 1812.

Naissance de l'Université

En 1816, Guillaume d'Orange, notre souverain, créait à Liège notre Alma Mater. Toute jeune et sans tradition universitaire établie, elle allait devoir chercher en ses murs, et au-delà, les savants et les scientifiques qui allaient assurer sa réputation. Nous commencerons par les médecins et naturalistes présents au sein de notre association suite à sa fusion avec la Société des Sciences physiques et médicales en 1809.

Joseph-Antoine Leroy (M.E.1836) naquit à Anvers en 1800 et mourut à Liège en 1839. Il suivit les cours de Sciences médicales de l'Université de Louvain, et s'intéressa avec avidité à la Physique, à la Chimie, aux Mathématiques, à la Botanique et à la Philologie. Diplômé Docteur en médecine avec la Plus Grande Distinction en 1824 pour une thèse sur L'emploi du forceps et sur l'usage du levier, il publia une théorie de la respiration ("l'hématose") qui lui valut une polémique avec le chirurgien français Capuron. En 1826, il fut nommé Lecteur à l'Université de Louvain des cours de Pathologie générale et de Physiologie humaine et comparée, puis en 1835, Professeur à l'Université de Liège dans les mêmes spécialités.

Nicolas Joseph Victor Ansiaux (M.E.1836), né à Liège en 1802, obtint son diplôme de Docteur en médecine, chirurgie et accouchements de l'Université de Liège en 1823 avec une thèse sur De Fistula lacrymali. En 1824, il alla à Paris travailler sous la direction du Professeur Roux puis fut nommé, en 1825, Médecin-adjoint de l'Hôpital de Bavière et Chef du service chirurgical des Hospices des Filles orphelines et des Hommes incurables. En 1828, nommé Lecteur à l'Université de Liège, il professa les maladies des os, bandages et appareils, l'obstétrique, l'ophtalmologie, la clinique chirurgicale et pathologique et l'hygiène publique et privée. En 1835, à la mort de son père, il lui succède comme Directeur de la clinique chirurgicale. En 1838, il est nommé Professeur extraordinaire chargé de l'enseignement de l'ophtalmologie, de la médecine opératoire, bandages et appareils, puis à partir de 1843, de la pathologie chirurgicale. Il fut membre de nombreuses sociétés savantes : membre honoraire de l'Académie de Médecine et des Sociétés médicales de Louvain, Gand et Toulouse, membre de la Société des Sciences naturelles de Bruxelles. Il fut également membre de la Commission médicale provinciale et de la Commission provinciale des services aliénés. Suite à l'épidémie de choléra qui sévit à Liège en 1836-37, il fut un des fondateurs du Comité de Salubrité de la Province. Il fut Président du Comité des Sciences de l'Emulation de 1857 à 1872. Il mourut à Liège en 1882.

Jean Théodore Lacordaire (M.E.1840) est né à Ourcy-sur-Ource (Côte d'Or) en 1801. Il était l'aîné de quatre garçons dont Henri, son cadet, devint le célèbre dominicain, prédicateur et membre écouté de l'Académie française. Il fit ses études de Droit à l'Université de Dijon mais était féru d'Histoire naturelle et décida de parcourir le monde. Il visita les pays d'Amérique du Sud : Argentine, Brésil, Pérou, Uruguay, Chili pendant 8 ans de 1824 à 1832 et navigua sur les côtes d'Afrique occidentale de 1832 à 1835. Rappelé par Cuvier qui voulait en faire son collaborateur, il arriva à Paris à la mort de celui-ci. L'Université de Liège, à la recherche des meilleurs talents, l'appela en 1835 à la chaire de Zoologie à laquelle on lui ajouta bientôt celle d'Anatomie comparée. Son activité scientifique en avait fait un savant de réputation mondiale, outre membre de l'Académie royale de Belgique, il fut membre de nombreuses sociétés savantes, non seulement en France mais à Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg,... De 1842 à 1846, il fut Secrétaire général de l'Emulation. En 1845, il devint Secrétaire général de la Société royale des Sciences de Liège, de 1857 à 1861, Recteur, d'abord pour achever le mandat d'André Dumont, décédé prématurément, puis pour son propre triennat.

Gilles Pascal Napoléon Péters-Vaust (M.E.1842) est né à Glons en 1804. Il suivit les cours de la Faculté des Sciences et fut proclamé Pharmacien en 1826 par la Commission médicale de la Province. En 1827, il est nommé Professeur à l'Hôpital de Bavière et Pharmacien en chef des Hospices civils. En 1835, il est Agrégé près de la Faculté de Médecine pour les cours de Pharmacie théorique et pratique qu'il professa jusqu'à son décès inopiné, à Liège en 1867, léguant ses cours à son gendre le Docteur Van Aubel. Il fut Président de la Commission médicale provinciale de 1863 à 1865, Membre honoraire de l'Académie royale de Médecine et affilié à plusieurs autres sociétés savantes.


Trousse de dissection de Théodore Schwann
exposition "Vers la modernité. Le XIXe siècle au Pays de Liège" (Liège, 2001)
photo Philippe Herbet © Centre d'Histoire des Sciences et desTechniques de l'Université de Liège

Théodore Schwann (M.E. 1854) naquit à Neuss en 1810, fit ses études à l'Université de Bonn et fut élève à Berlin du célèbre professeur Jean Müller. Très tôt, il publia un mémoire sur le Rôle biologique de la levure de bière dans la fermentation et des micro-organismes sur la putréfaction. Tout d'abord Professeur à l'Université de Louvain de 1839 à 1848, il reprit l'enseignement de l'Anatomie générale à J.A. Spring à l'Université de Liège de 1848 à 1858 puis y ajouta l'enseignement de la Physiologie humaine de 1858 à 1879. Il est un des initiateurs de la théorie cellulaire - unité de composition des tissus et des organes - appliquée aux animaux et à l'homme, théorie qu'il exposa dans son ouvrage fondamental Mikroskopische Untersuchungen über die Uebereinstimmung der Struktur und dem Wachstum der Tiere und Pflanzen, Berlin 1839. Il développa les études en laboratoire et en 1844, il découvrit le rôle de la bile. Il s'adonna également, en collaboration avec Adolphe Quetelet, au développement de la Statistique. Il décéda à Cologne en 1882.

Antoine Spring (M.E.1854) naquit également en Allemagne, à Geruldsbach (Bavière) en 1814. Il fit ses humanités à Augsbourg où il fut le condisciple du futur Napoléon III et fit des études de Physiologie et de Sciences naturelles. Il obtint le grade de Docteur en médecine "lauro coronatus" en 1835 à 21 ans en défendant une thèse sur la Différence entre phtysies pulmonaires tuberculeuses et ulcéreuses. Après des activités diverses, notamment lors de l'épidémie de choléra de 1836-37 comme aide-naturaliste et médecin adjoint d'hôpital général, il alla à Paris suivre des cours au Collège de France, au Museum d'Histoire naturelle et dans des cliniques d'hôpitaux. Il vint ensuite à Liège où le décès prématuré du professeur Leroy avait laissé la chaire de Physiologie vacante. Professeur ordinaire à l'Université de Liège à 25 ans, il a laissé une empreinte marquante dans l'enseignement de la Physiologie et de l'Anatomie générale et descriptive, ayant repris ce dernier à la mort du professeur Vallen. Doué d'un sens aigu de l'observation et très strict dans l'emploi de la terminologie, il réforma complètement l'enseignement de la Physiologie et de la Clinique médicale et participa activement à la réforme de l'enseignement supérieur médical en Belgique. De nombreuses publications illustrèrent son enseignement : en 1854, une Monographie de l'hernie du cerveau et de quelques lésions... (Académie de Médecine), en 1860, Mémoire sur les mouvements du coeur, en 1866, Des accidents morbides,... En 1854, avec Schmerling, il s'intéressa à l'anthropologie fossile de la vallée de la Meuse. Il cumula aussi les honneurs académiques : Académie royale des Sciences, Académie royale de Médecine, Académie royale des Sciences et des Lettres de Münich, Académie impériale Léopoldine Caroline (Allemagne), Société de Biologie de Paris, Société royale de Médecine de Stockholm, Société médico-physique de Florence,... Il mourut à Liège en 1872.


Antoine Spring, par Ch. Soubre
© Collections artistiques de l'Université de Liège


Les Ecoles spéciales d'Ingénieurs

Si l'école des Mines fut officiellement ouverte au mois d'octobre 1825, ce n'est qu'à la loi du 21 septembre 1836 qu'il faut faire remonter l'organisation des Ecoles Spéciales des Arts et Manufactures et des Mines comportant originellement quatre années d'études. En 1838, ces deux sections se séparèrent pour répondre aux exigences du recrutement du Corps des Mines et une troisième section d'élèves mécaniciens fut ajoutée en 1843. A cette époque, correspondant à la première révolution industrielle, celle de la vapeur, " l'innovation est le fait de bricoleurs de génie, d'ingénieurs formés sur le tas. Les ingénieurs universitaires sont destinés aux grands Corps de l'Etat, mines, ponts et chaussées, chemins de fer ". (*) Ce ne sera plus le cas dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec l'évolution technologique dans les domaines de l'acier, de l'électricité et de la chimie où l'industrie s'engage dans la voie d'une collaboration avec l'université. La loi de juillet 1883 instaure le diplôme d'ingénieur électricien. En 1893, les Ecoles spéciales, jusqu'alors rattachées à la faculté des Sciences, sont constituées en une faculté technique indépendante et 1924 verra la légalisation des diplômes d'ingénieurs (IC) des constructions, métallurgiste, chimiste, électriciens et mécaniciens. (**)

La Société libre d'Emulation participe, en tout premier lieu, avec le corps professoral de l'université à l'hommage rendu à André Dumont, lors de l'exposition de Paris en 1857 et ensuite au banquet qui lui fut offert en ses locaux et au cours duquel il lui fut décerné le titre et le diplôme de membre honoraire. Lors du décès prématuré du brillant géologue, sa famille fit don à l'Emulation de la carte géologique d'Europe qui ornait son cabinet de travail.

André Hubert Dumont ( 1809-1857), géomètre des Mines, professeur de Géologie et de Minéralogie à l'Université de Liège, fut lauréat du concours académique à l'âge de 18 ans, avec sa description géologique de la Province de Liège. Il fixa et posa les bases de nos connaissances, alors assez chaotiques, sur la constitution du sol et du sous-sol de la Belgique. Il les élargit ensuite en dressant une première carte à grande échelle de l'ensemble du territoire national, puis de l'Europe entière.

C'est Gustave Dewalque (M.E. 1858) né à Stavelot en 1828, Docteur en médecine en 1853 et en Sciences naturelles en 1854 qui lui succéda. Il compléta son œuvre surtout en ce qui concerne les caractères paléontologiques. Dans le " Prodrome d'une description géologique de la Belgique ", il s'appliqua à condenser l'enseignement du maître prématurément disparu. Par deux fois, il publia, à son tour, une carte géologique de Belgique et des provinces voisines en y incluant les plus récentes découvertes. Fondateur et Secrétaire général de la Société géologique de Belgique pendant plus de 25 ans, il allait imprimer une impulsion définitive à cette science dont l'Université de Liège peut à juste titre s'enorgueillir d'avoir perpétuer la brillante tradition.

Le premier titulaire de la chaire d'Exploitation des Mines créée au sein des Ecole spéciales d'Ingénieurs fut Jean-Baptiste-Adolphe de Vaux (M.E. 1931). Il l'occupa de 1836 à 1844. Né de l'émigration à Düren en 1794, il mourut à Bruxelles en 1866. Après des études au lycée de Douai, il entra à Polytechnique en 1812 puis, après la chute de l'Empire, étudia le génie militaire à l'Ecole militaire de Delft puis fut chargé des fortifications de la Ville de Mons. Il commence sa carrière civile comme ingénieur des Mines de 2e classe en 1823, à Huy puis à Liège. En 1828, il est nommé Directeur des travaux de la Société du Luxembourg. Après la révolution de 1830, il est nommé Ingénieur en chef de la 3e division des Mines (Liège-Luxembourg). Savant technicien, il joignait à ses attributions de professeur, celle d'Inspecteur des études dont il prévoyait l'immense développement. Bien qu'appelé à Bruxelles pour occuper les hautes fonctions d'Inspecteur général des Mines, il resta Président du Conseil de perfectionnement des Ecoles qu'il avait contribués à créer. Comme chef du Corps des Mines, il orienta ses collaborateurs vers la recherche scientifique, organisa la première commission officielle du grisou et dota le pays d'une réglementation rationnelle avancée.

Adolphe de Vaux fut remplacé dans son enseignement par son élève, Louis Trasenster (M.E. 1844). Pendant 40 ans, de 1844 à 1884, celui-ci maintint l'enseignement de l'Exploitation des Mines à la hauteur des progrès réalisés dans l'industrie. Appelé au rectorat en 1879, charge qu'il conserva pendant deux triennats, il entreprit la réalisation du programme des nouvelles installations universitaires dont le bâtiment central de la Place du XX-Août, les Instituts de Zoologie, d'Anatomie et de Physiologie, de Chimie, de Pharmacie, d'Astronomie, d'Electrotechnique (Montefiore), de l'Hôpital de Bavière ainsi que des appropriations destinées aux services des Ecoles spéciales, bâtiment qui décorent encore, pour la plupart, nos perspectives urbaines. Ces constructions propulsèrent le renommée de l'Université de Liège, et particulièrement des Ecoles spéciales d'Ingénieurs, bien au-delà de nos frontières. Il fut aussi le fondateur de l'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège (AILg).


Alfred Habets (Lithographie Florimond van Loo)
© Collections artistiques de l'Université de Liège

Ce fut son élève Alfred Habets (M.E. 1859 et Bibliothécaire de l'Emulation de 1869 à 1872) qui le suppléa au cours de ces années chargées puis lui succéda en 1882. Esprit encyclopédique, Habets cumula, grâce à ses connaissances approfondies en géologie, le cours d'exploitation des Mines et de Géographie Industrielle. Ses publications se sont étendues aux domaines de la Géologie, de la Géographie économique, de la Métallurgie et de la Topographie. Ses cours d'Exploitation des Mines et de Topographie eurent un succès considérable et furent réédités à plusieurs reprises entre 1892 et 1906.

L'évolution de le Mécanique appliquée est à l'origine de la chaire qu'inaugure, aux Ecoles spéciales en 1868, le professeur Dwelshauvers-Dery (M.E. 1872). Né à Dinant en 1836, il mourut à Liège en 1913. Il fut un des premiers à avoir compris l'importance de l'étude expérimentale de la machine à vapeur et d'en avoir établi la théorie. Une machine conçue suivant ses données fut construite dans les Ateliers Beer de Jemeppe où elle servit à ses expériences et à celles de ses élèves. Créateur des laboratoires de thermodynamique appliquée, il fut élu membre correspondant de l'Institut de France.

Le cours de Construction des machines, en 1863, jusqu'alors partie intégrante du cours de Mécanique appliquée, fut confié à Walthère Hubert Gérard Libert (M.E. 1876), qui dirigeait déjà les ateliers annexés aux Ecoles spéciales. Né à Liège en 1828, il obtint son diplôme d'ingénieur mécanicien des Ecoles spéciales en 1849. Il créa la Société Saint-Léonard-Outils et plus tard la Société Walthère Libert et Co, spécialisée dans la construction des machines de laminoirs, de machines d'extraction et d'épuisement. Il mourut en pleine activité à Liège en 1883.

Antoine Charles De Cuyper (M.E. 1854, Député en 1867) est né à Bruxelles en 1811 et décédé à Liège en 1892. Il fit ses études, grâce à une bourse, à l'Université de Bologne, où il décrocha un diplôme de candidat en Philosophie puis de Docteur en Sciences. Il entreprit une carrière militaire à l'Etat-Major du Génie, chargé du lever des places fortes, carrière qu'il termina en 1842 avec le grade de capitaine. Il entra alors comme inspecteur des études et professeur de Géométrie descriptive et de Mécanique à l'Ecole centrale de Bruxelles. Nommé professeur extraordinaire à l'Université de Gand en 1838 pour y enseigner l'Hydraulique, la Mécanique appliquée, la Technique des Constructions, l'Astronomie et l'Arithmétique sociale (sic), il revint à Liège en 1846 pour s'y refaire une santé et il y enseigna l'Astronomie, la Mécanique céleste et la Mécanique analytique. Nommé Inspecteur des études des Ecoles spéciales, il ajouta peu après à ses enseignements ceux d'Algèbre supérieure et de Géométrie analytique. Recteur de 1867 à 1870, il participe avec éclat aux cérémonies du cinquantenaire de l'Université. Il compte parmi les membres fondateurs de la Revue Universelle des Mines, fut membre de la Société de philomatique de Paris et de la Société pour l'Encouragement de l'Industrie nationale.

Jean-Pierre Schmit (M.E. 1854) naquit à Luxembourg en 1817 et mourut à Saint-Gilles (Bruxelles) en 1903. Après de brillantes études à l'Athénée de Luxembourg et à l'Université de Liège, il est nommé en 1936, répétiteur et maître de dessin aux Ecoles spéciales puis chargé de cours de Géométrie descriptive de 1836 à 1866. De 1840 à 1862, il professe également le cours de Topographie. En 1840, il est chargé du cours d'Architecture civile qui se transforme en 1847 en cours d'Architecture industrielle. Passionné d'architecture, il s'adonne à son art dans de nombreux travaux publics et privés. A l'isue de ses voyages en Allemagne et en Italie, il donna, dès 1842, des " Leçons publiques d'Histoire de l'architecture et d'Histoire de l'art ". En 1867, il publiait un " Traité d'axonométrie " qui constituait une première dans cette discipline. Il fut membre de la Commission de salubrité publique de la Province et chargé par le bourgmestre Piercot et le ministre de l'Intérieur, Charles Rogier, d'une étude et d'une mise en pratique de l'exploitation des " Engrais des villes ", dont le rapport parut dans les Annales de la Commission de salubrité publique en 1850. Il fut aussi chargé de l'assainissement des prisons de Vilvorde, Gand et Hoogstraeten.

Adolphe Lesoinne (M.E. 1829) s'est illustré, quant à lui, dans l'enseignement de la Métallurgie. Bien que figurant au programme de l'Université dès 1817, cet enseignement ne fut organisé réellement qu'à partir de 1825. Admirablement préparé à cette tâche par ses connaissances scientifiques profondes et le contact qu'il entretenait avec l'industrie belge et celle de divers pays européens qu'il avait appris à connaître au cours de ses nombreux voyages, Lesoinne en assura la charge jusqu'en 1856.

Auguste Gillon (M.E. 1859), né à Liège en 1826 et mort en 1913, fut diplômé Ingénieur des Arts et Manufactures en 1851. DE 1853 à 1855, il enseigna la Physique et la Chimie à l'Athénée Royal et à l'Ecole des Arts et Manufactures de Tournai puis suivi les cours de l'Ecole des Mines de Paris. En 1860, il est nommé Directeur des Mines et Usines de la Nouvelle Montagne à Engis et en 1861, chargé de cours de Métallurgie aux Ecoles spéciales. De 1857 à 1860, il est Secrétaire général de l'AILg dont il sera Président général en 1892 et cofondateur de la Revue Universelle des Mines dont il sera Administrateur de 1896 à 1898 puis Administrateur gérant. Il fut cofondateur de la Fabrique de Fer du Val Benoît (1864), de la Société des Aciéries d'Angleur (1871) et était Président de la Société d'Espérance-Longdoz et des Laminoirs de Toula au moment de son décès. Il eut aussi des activités publiques nombreuses : échevin de l'Instruction publique et des Beaux-Arts de 1862 à 1867, il développa remarquablement l'enseignement communal liégeois. Il fut consul d'Italie pendant 40 ans, membre de la Société des Sciences de Liège, de la Société d'Encouragement de l'Industrie aux Pays-bas, de l'Association pour le Progrès Industriel de Lisbonne, de l'American Institute of Mining Engineering de Philadelphie et de la Société des Ingénieurs civils de France.


Auguste Gillon
© Collections artistiques de l'Université de Liège


Armand Stévart (M.E. 1876) naquit à Liège en 1840 et y mourut en 1905. Il fut pendant 10 ans attaché à l'Administration des Chemins de fer avant d'exercer les hautes fonctions de Directeur des Ateliers de la Meuse. Les Ecoles spéciales s'attachèrent ses services comme titulaire de la chaire d'Exploitation des chemins de fer où il élabora, avec ses collègues de Gand et de Bruxelles, un " Traité des chemins de fer " en 5 volumes qui fit référence. Pendant dix années, il occupa également l'échevinat des Travaux publics de la Ville de Liège.

En 1865, les Ecoles spéciales confiaient les chaires d'Economie politique et d'Economie industrielle à Emile de Laveleye (M.E. 1863, président du comité de Littérature et des Beaux-Arts de 1872 à 1879, Secrétaire de la Section des Arts industriels et de l'Agriculture en 1893). Ses études variées, ses nombreux voyages à l'étranger et l'originalité de sa pensée contribuèrent à donner à son enseignement et à ses écrits un caractère essentiellement pratique et plein d'actualité. Mondialement connu, il fut une des figures marquantes de la science politique du XIXe siècle. Il reçut par deux fois le prix quinquennal des Sciences Morales et Politiques, fut Membre de l'Académie Royale de Belgique et correspondant de l'Institut de France et d'autres grandes institutions étrangères.


(*) " L'Homme et la Machine ", organisation : Province de Liège, p.101

(**) R.U.M. " Centenaire de l'Ecole des Mines de Liège : Discours de l'Administrateur-Inspecteur Marcel Dehalu ; p.233-251.

Sources:
R. Malherbe: "Société libre d'Emulation, Liber Memorialis 1779-1879";
Catalogue de l'Exposition "Le Siècle des Lumières dans la Principauté de Liège", Massoz 1980;
Jean Lejeune: "La Principauté de Liège", ASBL LE GRAND LIEGE, 1948 et "Liège et l'Occident", ASBL LE GRAND LIEGE 1958;
C.Pavard: "Biographies des Liégeois illustres", Alf.Castaigne, Bruxelles 1905;
A.Leroy: "Université de Liège, Liber Memorialis 1817-1867".

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janvier 2004 - mise à jour : 16 janvier 2008