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Société libre d'Emulation - Liège (Belgique)

Historique


Les Trasenster

Des seigneurs de Fraipont aux Ingénieurs des Mines
par Bruno Magermans
licencié en histoire de l'Université de Liège

Louis Trasenster (1816-1887), professeur de l'Université de Liège fonde en 1847 l'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège, qu'il préside pendant près de quarante ans. Ce personnage a d'ailleurs fait l'objet, récemment, d'un mémoire de fin d'études en Histoire, long de trois cents pages, qui aura nécessité deux années de recherches mêlant incessamment la rigueur, le scrupule, les questionnements, l'angoisse et, surtout, la passion !

On trouvera ici des éléments sur l'historique des ascendants et de la parentèle de Louis Trasenster. Mais nous apporterons aussi des précisions sur ses enfants, qui auront formé avec leur père une véritable dynastie d'ingénieurs à la renommée nationale, et qui auront marqué de leur empreinte le paysage industriel liégeois. Nous signalons que les informations qui suivent proviennent du mémoire de Bruno Magermans, intitulé Louis Trasenster (1816-1887).Essai biographique (année académique 1999-2000).

DU LIEU-DIT AU LIGNAGE

Non loin de Banneux et de Fraipont, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Liège, se trouve le lieu-dit Trasenster. Situé dans une région rurale où s'entremêlent hameaux, forêts, ruisseaux sinueux et pâturages escarpés, Trasenster, selon les historiens locaux, a connu un passé médiéval. A l'époque mérovingienne, ce lieu sera la propriété d'un cultivateur, connu sous le nom de Thraso. Nous savons de surcroît qu'au XVIe siècle, le lieu-dit appartiendra aux seigneurs de Fraipont, parmi lesquels on retrouve un certain Tristan (fin du XIVe &endash; début du XVe siècle), chevalier de Fraipont. Celui-ci a pour fils un prénommé Collet (1400-1468), père de Henry (décédé vers 1480) et grand-père de Jacquet (mort en 1536). C'est ce dernier qui échangera le 13 février 1529 une partie de ses terres avec le hameau de Trasenster, appartenant à son cousin Grégoire, seigneur de Gomzé (une localité située entre Louveigné et Fraipont).

Jacquet de Fraipont aura un fils, du même prénom, qui prendra désormais le nom de Trasenster. Ce changement nominal s'explique par le fait que Jacquet de Trasenster est le fruit d'une relation adultérine et que, de ce fait, il lui est interdit de porter le nom de son père. On peut donc dire que les de Trasenster sont bel et bien les descendants bâtards des seigneurs de Fraipont.

LES TRASENSTER A L'EPOQUE MODERNE

Parmi les représentants de la famille de Trasenster, on comptera jusqu'au début du XVIIIe siècle, pas moins de cinq Jacques de Trasenster. Ils résideront tous dans la région, et plus particulièrement dans les localités de Trasenster, Gomzé, Louveigné et Deigné. Le dernier, Jacques de Trasenster, aura pour fils Laurent Trasenster, baptisé à Louveigné en 1716. Il sera le premier de son lignage à perdre la particule "de". L'un de ses fils, prénommé aussi Laurent, deviendra bourgmestre de Deigné (entre Aywaille et Louveigné) et collecteur de tailles pour le prince-abbé de Stavelot ; il décédera en 1809. Son fils, Jean Laurent Trasenster, né en 1785 à Deigné, résidera à Cornémont, non loin de son village natal. Il épousera, le 12 avril 1809, Marie Anne Josephe Chession. De leur union naîtront deux filles et six garçons, parmi lesquels on retrouve Louis Trasenster.

LES CHESSION, DES CHEVALIERS delle ROCHE AUX BRASSEURS DE BEAUFAYS

La famille maternelle de Louis Trasenster est issue du chevalier Franck delle Roche, à la fois échevin de Liège et avoué de Fléron (XVe siècle). Il était essentiellement habilité pour accomplir des tâches d'ordres judiciaire et militaire. Franck delle Roche aura un fils, Pirlot, devenu mayeur de la cour de justice de Fléron. C'est au XVIIe siècle que l'on perd la trace de ces chevaliers. Parmi leurs descendants, on compte les de Chession, dont la particule nobiliaire ne dépassera pas le cap du XVIIIe siècle. On sait qu'aux environs de 1710, Laurent de Chession, l'un des rares ancêtres dont nous avons retrouvé la trace, est propriétaire d'une brasserie, dite du Dragon d'Or, située dans la localité de Beaufays, à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Liège. Par ailleurs, il exploite les bains du Gadot, un lieu-dit de Chaudfontaine. Epoux d'une certaine Marguerite Raick, il décède en 1712 et laisse à ses enfants le soin d'exploiter, d'une part, la brasserie et, d'autre part, les bains situés au Gadot. L'un de ses fils, prénommé aussi Laurent, deviendra quant à lui lieutenant-colonel du bailliage d'Amercoeur, l'une des circonscriptions administratives de Liège au XVIIIe siècle. A partir de ce descendant, on perd la trace des de Chession et la généalogie semble confuse. Il faut attendre l'année 1764 pour voir apparaître Ulric Chession (dont le nom ne comporte plus de particule), probablement l'un des petits-fils du dernier Laurent de Chession. Ulric, dit aussi Wéry, naît donc en 1764. Epoux d'Isabelle Bonhomme, il semble être le premier bourgmestre de l'histoire de Beaufays ; il occupe d'ailleurs cette fonction de 1801 à 1814. Cultivateur, il est aussi propriétaire de la brasserie du Dragon d'Or, entreprise qu'il dirigera avec son beau-fils Jean Laurent Trasenster, le père de Louis.

LA BRASSERIE DU DRAGON D'OR

Jouant en même temps le rôle d'exploitation agro-alimentaire et de relais pour les postiers, la brasserie du Dragon d'Or produit essentiellement, au XIXe siècle, de la bière et des liqueurs. Le domaine, comprenant des terres arables et des vergers, s'étend de part et d'autre de la route principale de Beaufays, reliant Liège à Arlon; sa superficie totale est estimée à une centaine d'hectares environ. La villa, où cohabitent un temps les Trasenster et les Chession, est à la fois spacieuse et modeste; on trouve devant la demeure une grande cour protégée par un épais mur de moellons, dont la particularité est de contenir des chambrettes destinées aux ouvriers de l'entreprise.

D'abord propriété de la famille Chession, l'habitation et les terres passeront par un jeu d'alliances à Jean Laurent Trasenster, puisque ce dernier épousera en 1809 Marie Anne Josephe, fille d'Ulric Chession. Du vivant des Trasenster, la brasserie et les terrains seront partagés entre Jean Laurent Trasenster, son fils Emile et son gendre Auguste Nève, époux de Laurence, l'une des sœurs de Louis Trasenster.

Quant à la renommée de cette société, que peut-on en dire ? En fait, il est sûr que la bière et les liqueurs produites par la famille Trasenster ne seront commercialisées que dans certaines localités de la région liégeoise. Toutefois, on sait que ces boissons, dès la fin du XIXe siècle, seront vendues du côté de Herve ainsi que dans la vallée de la Vesdre. Mais, comme bien d'autres, l'entreprise devra faire face au choc de la Grande Guerre. En 1914, les pertes matérielles seront telles que les Nève, héritiers de l'exploitation, devront tout abandonner. La Première Guerre mondiale mettra par conséquent un terme aux activités de cette brasserie bicentenaire.

LES ENFANTS DE JEAN LAURENT TRASENSTER

Comme nous l'avons dit précédemment, Jean Laurent Trasenster et Marie Anne Josephe Chession auront huit enfants. Hormis Louis, né en 1816, on peut citer Ulric Jean Laurent, décédé au lendemain de sa naissance en juin 1809; Charles Ulric, un négociant en vins (1810-1867) qui épousera Gérardine Baujean, fille de notables liégeois; Emile (1811-1863), brasseur et époux de Lydia Tulk, fille des propriétaires de l'abbaye de Beaufays vers 1850; Marie Anne Isabelle Joséphine (1812-1892), épouse de Jean Michel Delhaze, le précepteur de la famille Trasenster; Ulric Pierre, né en 1814 et décédé en 1817; Ulric (1821-1882), qui occupera la fonction de vicaire à Soumagne et sera envoyé par sa famille dans un monastère en Savoie pour ne pas avoir respecté le vœu de chasteté (il rencontrera en effet une demoiselle qui lui donnera un enfant, qui sera élevé chez les Sœurs de la Charité à Ans); enfin, il y a Laurence Charlotte (1825-1900), qui épousera Auguste Nève, docteur en Droit de l'Université de Bologne, juge de paix à Louveigné et exploitant de la brasserie du Dragon d'Or.

LES ENFANTS DE LOUIS TRASENSTER ET DE MARIE DESOER

En épousant en janvier 1850 Marie Desoer, fille de l'imprimeur liégeois Jacques Desoer &endash; par ailleurs propriétaire du Journal de Liége - Louis Trasenster aura cinq héritiers, parmi lesquels trois deviendront des ingénieurs de haut rang et des administrateurs confirmés.

Le premier des enfants de Louis Trasenster n'est autre qu'Amélie (1850-1929), l'épouse du sénateur Alfred Magis et, par ailleurs, cofondateur de la Société anonyme d'Ougrée-Marihaye. Vient ensuite Paul (1852-1925), époux de May de Laveleye, descendante des comtes de la Vallée. Paul Trasenster est ingénieur de formation; il présidera le conseil d'administration des Etablissements John Cockerill et sera aussi vice-président du Crédit général de Belgique, directeur du Journal de Liége et député pour l'arrondissement de Liège de 1900 à 1905. Le deuxième fils, Gustave (1855-1931), est l'époux d'Adèle Nagelmackers, fille du banquier Ernest Nagelmackers. Ingénieur, Gustave enseignera les sciences appliquées à l'Université de Liège et présidera à la fusion de la Fabrique de Fer d'Ougrée avec les Charbonnages d'Ougrée. Il sera aussi le directeur général de la Société anonyme d'Ougrée-Marihaye. La dernière fille de Louis Trasenster, Louise (1855-1945), épousera, elle, l'industriel Charles Petit-Dufrenoy. Enfin, on citera Maurice (1861-1944), époux de Louise Didier, ingénieur et directeur des Charbonnages de l'Est de Liège. Il sera également président de la Fédération charbonnière de Belgique.

Pour plus de précisions, on consultera aussi l'ouvrage de Paul Osterrieth, Réunion de la famille Trasenster au château de Bra (2 septembre 1995). Les ancêtres et les descendants de Jean Laurent Trasenster et de Marie Anne Josephe Chession.

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janvier 2004 - mise à jour : 16 janvier 2008